Introduction :

 

Depuis l’orée du bois, Lady Val contemplait le mur blanc, monumental, qui s’étalait à perte de vue sur la lande glacée. A son sommet, la lumière vacillante de quelques torches ne laissait aucun doute quant à la présence de sentinelles sur le chemin de ronde. Haut de plusieurs centaines de pieds, l’obstacle de glace bâti il y a près de 8000 ans maintenait son peuple depuis trop longtemps prisonnier des terres inhospitalières du Nord.

Val tourna le regard vers le jeune homme, vêtu de noir, agenouillé à ses pieds. Ses guerriers avaient capturé le frère de la garde de nuit, seul et sans vivre, à une lieue d’ici. Les rudes hommes du Nord l’avaient suffisamment malmené pour lui ôter toute volonté de résister. Elle approcha son visage du sien et baissa le capuchon de sa pelisse chatoyante, libérant une chevelure dorée. Elle plongea ses yeux perçants dans ceux injecté de sang du prisonnier. Il frémit, décontenancé par la beauté froide de la Dame du Nord. Le vœu de chasteté qui liait la garde était pour elle une faiblesse, il lui donnait une emprise sur le jeune soldat. D’une voix douce, elle l’incita :

« Montres-moi petit corbeau… Montres moi le chemin qui t’a conduit au travers du mur jusque sur nos terres… » Elle caressa du dos de la main le visage tuméfié de l’homme. Il frémit au contact chaud de sa peau, abandonnant ses dernières défenses. Pleurant de honte et de douleur il pointa du doigt le pied de la muraille et bredouilla :

« Il y a un tunnel fortifié, camouflé par la neige… ». 

Gark, le jarl de la tribu, donna un coup violent coup de pied dans le dos du prisonnier qui s’affala tête la première dans la neige en geignant. L’homme puissamment bâti rit, faisant tomber les morceaux de glace qui commençaient à se former dans sa barbe. Puis se tournant vers Lady Val :

« Je vais sonder le pied du mur pour vérifier les dires de ce moineau… ». Il leva sa hache et s’enfonça dans la nuit tombante, suivi d’une dizaine d’homme… 

 

Session 1 :

 Gark avançait à la faveur de l’obscurité, longeant la paroi du gigantesque mur à la recherche du passage indiqué par le garde de nuit. 

Il ne pouvait se départir de l’idée que le corbeau avait cédé trop facilement mais il n’était plus en mesure de se montrer prudent. 

Ce qui n’était il y a quelques mois qu’une rumeur venue des plus lointaines terres du Nord devenait était désormais rapporté par quelques survivants au regard hagard, une réalité pressante et terrifiante :

Des morts qui se relèvent et avancent inexorablement, un froid surnaturel qui vous gèle le cœur et étouffe tout espoir. Les légendes contées autour du feu, la mémoire orale du peuple libre, parlait de cet hiver comme du crépuscule des hommes, la fin de toute vie.

 

Un hululement tira Gark de ses pensées lugubres. Ce signal signifiait que l’un de ses hommes avait trouvé quelque chose. Il avança encore sur quelques dizaines de pas, la neige glacée crissant sous ses bottes doublées de fourrure. 

Au détour d’un éperon de glace, Shivers, son plus farouche guerrier, l’attendait devant un trou dans la muraille. A peine visible à la faveur des étoiles, le passage était barré par plusieurs lourdes herses de métal qui donnaient sur un tunnel de vingt pieds de large dont Gark ne pouvait distinguer la sortie. Il sonda l’acier avant de cracher par terre « Le froid a fragilisé l’acier mais il va tout de même falloir quelque chose de gros, de très gros, pour forcer l’entrée… ».

 

Session 2 :

Shivers poussa un rugissement en sautant hors du trou rempli de neige ou il attendait patiemment depuis des heures. Des blocs de glace restèrent accrochés à sa cape en peau d’ours alors qu’il agitait frénétiquement les bras pour attirer l’attention du gigantesque pachyderme à fourrure qui lui faisait face. Surprise, la créature se cambra et se dressa sur les pattes arrières, agitant celle de devant épaisse comme des troncs d’arbres, dans l’espoir d’écraser l’impudent.  Profitant de la diversion, le reste de la bande de chasse de Shivers sortit des fourrés et lança des cordes autour des impressionnantes défense du Mammouth pour le tirer vers le sol et l’immobilier. Refusant de se laisser attraper, l’animal secouait la tête violemment, soulevant à chaque mouvement les hommes qui tenait fermement la prise. Andries trébucha et fini broyé avec un craquement écœurant par l’une des lourdes pattes de la bête. Puis ce fut au tour de Torg le taureau de finir empalé par l’une des dangereuses défenses. Le sang du guerrier jaillit à flot de ses viscères déchirés, ruisselant sur l’ivoire avant de couvrir la neige d’un linceul rouge écarlate. Les hommes raffermirent leur prise en poussant des cris de défis dans la langue gutturale du Nord.

Enfin, après plusieurs minutes de lutte acharnée, le mammouth poussa un ultime barrissement avant de s’affaler sur le flanc, épuisé.

 

Sans crainte, Shivers posa sa main sur la tête de la créature et plongea son regard dans celui du pachyderme avant de s’adresser à lui avec respect : « tu t’es bien battu, Ma’muth... Désormais tu serviras le peuple du Nord ».


Session 3:

Mance attrapa le seau vermoulu et en jeta le fond d’eau gelé sur le feu pour l’étouffer. Le bois crépita une dernière fois et les flammes fatiguées moururent en sifflant. Le nuage de vapeur fut vite emporté par le vent glacial du matin. Il se dirigea ensuite vers une forme allongée, couverte par une peau de bête sale et lui décocha un coup de pied : « debout, on va traverser…». Le guerrier allongé sur une paillasse en branchage jura et se releva à moitié en grattant une tignasse hirsute et grasse. Il bailla et fronça les sourcils, visiblement dégouté par sa propre haleine avant de lancer goguenard : « Tu m’as préparé le petit déj chef ? ».


« Dans tes rêves Tormund » répliqua Mance en assénant tour à tour un coup de pied à chacun de ses quatre autre guerriers assoupis, déclenchant un torrent de grognements et d’invectives.


A peine les premières lueurs de l’aube passées, la petite troupe embarqua à bord d’un esquif en bois sombre, verdit par l’humidité. Chivers, qui faisait partie de l’équipée, largua les amarres. Il poussa du pied le ponton et borda l’écoute. Un vent froid gonfla une voile rapiécée. L’embarcation frémit et commença à glisser, sa proue ornementée brisant la fine couche de glace qui recouvrait la surface du lac en cette époque de l’année.


Après une heure de navigation, les hommes du Nord accostèrent une île baignée de brume. Ils avancèrent prudemment sur la grève, le son de leurs pas et le clapotis des flots étouffés par l’atmosphère lourde et opaque. Soudain une forme gigantesque se dessina dans le brouillard et d’un coup de patte envoya Tormund rouler au sol, sonné. Le grizzly rugit, dévoilant des crocs menaçants et des babines écumantes. La créature se dressa sur les pattes arrière, culminant à deux fois la hauteur d’un homme, les yeux baignés d’une lueur fantastique bleue. Surpris les guerriers reculèrent et pointèrent leurs lances vers l’animal afin de le maintenir à distance.


Ne se laissant pas intimider, Mance coiffa ses longs cheveux blancs d’un casque ornementé, symbole de son statut de chef de guerre et s’avança vers la bête :


« Est-ce ainsi que tu accueilles le roi au-delà du mur Hudforand ? Rappelle ton sac à puces avant que je n’en fasse une descente de lit… ! ».


Un rire guttural retentit. Le grizzly se laissa retomber à quatre pattes, adoptant une posture plus conciliante. Il recula doucement avant de disparaitre dans la brume. Celle-ci se mit à tourbillonner en volute, découvrant une silhouette trapue, couverte de peaux de bêtes. L’homme se tenait appuyé sur un bâton ouvragé, ses yeux de brillant d’une lueur magique résiduelle similaire à celle qui hantait les yeux de l’ours quelques instants auparavant. Il prit la parole :


« Mance, il y a fort longtemps que tu ne m’as rendu visite… »


Le roi acquiesça en souriant et répondit en désignant un Tormund grommelant, qui bien qu’aidé par Shivers, peinait à se relever. C’est vrai mon ami, mais tu conviendras que le chemin est ardu et que les habitants de cette île manquent parfois de bonnes manières… ». L’individu, que tous avaient désormais reconnu comme étant un Changeforme s’amusa à nouveau des propos de Mance. Il fit signe à la troupe de le suivre jusqu’à une chaumière faite de pierre grises comme celles de la rive et au toit recouvert de roseaux. 


A l’abris de l’humidité et réchauffés par un feu de tourbe, les guerriers partagèrent un carré de viande séchée avec leur hôte. Puis Mance pris la parole.


Il informa Hudforand de ses craintes pour la survie du peuple libre au Nord du mur. Il évoqua les rumeurs parlant de morts qui marchent inexorablement, seulement précédés d’un froid qui étouffe toute étincelle de vie. Puis il lui présenta un plan pour mettre son peuple à l’abri au sud de la frontière de glace défendue par la garde de nuit...


Le changeforme écouta avec attention et acquiesça.


A la tombée de la nuit, le shaman remit quelques buches dans le foyer avant de s’assoir sur une chaise sculptée. Les motifs tracés dans le bois figurant des animaux entremêlés, leur pates tournées vers le centre du fauteuil.  


Il frappa en rythme sur le sol avec son bâton d’office en psalmodiant dans la langue gutturale du nord. Des cris d’animaux semblèrent s’élever autour du groupe alors que la fumée dans l’âtre prenait la forme d’un ours vaporeux avant de se transformer en loup. Les pattes de celui-ci poussèrent, son museau devint un bec et les poils se changèrent en plume, les fumeroles dansantes devenant un faucon. Soudain elles se figèrent, les yeux d’Hudforang roulèrent dans leurs orbites, avant de briller à nouveau de cette puis lueur magique bleue.


« Il est le faucon » commenta Mance.


Durant les heures qui suivirent, le Changeforme bougea peu, son esprit lié à celui de l’animal qu’il contrôlait désormais. Puis la fumée dans l’âtre reflua et la lueur dans les yeux du shaman s’estompa.


« Qu’as-tu vu sorcier ? » demanda sans embages Tormund.


Hudforang semblait confus :


« J’ai parcouru plusieurs dizaines de lieues, porté par le vent du Nord jusqu’à la tour des corbeaux. Je me suis perché sur une haute poutre, caché par une grande toile noire derrière laquelle ils semblent qu’ils se soulagent… J’ai pu observer le conseil de guerre qui s’y tenait. Il était question des troupes que tu masses à proximité du mur. Et… ». Il semblait hésitant à continuer.


Mance, impatient le pressa : « Et ? Qu’as-tu appris ? Que préparent les corbeaux ? ».


Soupirant le Changeforme repris son récit :


« Eh bien…Ils semblaient dénombrer des troupeaux. Avez-vous des chèvres et des poules en nombre ? »


Mance surpris répondit : « Pas que je sache, du moins pas sur le front. »


Gêné Hudforang continua. « Il était aussi question d’une grande dinde dénommée Elmer dont un certain Yarwyck, l’un de leur chef doit s’occuper… »


« Est-ce tout ? » s’emporta Shivers, « Est-ce pour cela que depuis 4 jours que nous marchons et traversons les flots ? ».


« Eh bien… » poursuivi le Changeforme, « …certains des soldats présents ont aussi reçu l’ordre d’attendre le contre ordre et d’ici-là ne rien faire… ».


Mance soupira et regarda sa troupe déconfite, « il fallait essayer mes amis, toute information utile aurait pu épargner des vies de guerriers. Merci Hudforang ». Puis il se leva et se dirigea vers la porte de la chaumière…